Où avons-nous perdu notre humanité ?
Cette question étrange m'est apparue brutalement lorsque j'ai séjourné chez les Indiens Kogis en Colombie en 2007. Hier soir (15/10/2023), en les écoutant de nouveau à Boulogne-Billancourt, elle n'avait pas perdu de sens !
Qu'avons-nous fait de notre humanité ?
Je ne sais pas si la question est juste, bien posée. Le sentiment que j'ai éprouvé fut tellement fort en les rencontrant. Le sentiment d'être étranger pour la première fois, d'être étranger à moi-même, d'être étranger à ce que nous étions à l'origine.
Vous connaissez les Indiens Kogis ?
C'est un peuple racine. Leurs pratiques, leurs modes de vie, leurs savoirs sont un fil continu depuis 4500 ans. Certain.e.s pourraient dire "qui n'a pas évolué" depuis 4500 ans. Ce serait aller un peu vite, ne pas vraiment comprendre leurs immenses savoirs.
Ils l'ont démontré encore hier soir.
Cinq d'entre eux étaient présents en France, à l'invitationde l'association Tchenduakua et Éric Julien. L'intention était de les faire dialoguer avec des scientifiques francophones, pour poser un diagnostic croisé sur l'état du Rhône depuis la source en Suisse jusqu'à la Méditerranée. Ils sont restés quatre semaines en France, et hier soir marquait une forme de clôture de cet exercice. Il était troublant d'entendre des scientifiques admiratifs de la façon dont des Indiens venus de Colombie étaient en capacité d'analyser, comprendre, poser un diagnostic juste sur l'état des territoires qu'ils ont arpenté pendant un mois. Le plus impressionnant fut peut-être d'entendre Céline Bressy-Leandri, archéologue, expliquer comment ces Indiens, qui découvraient pour la première fois des sites préhistoriques en Corse, l'avaient aidée à décrypter la position et la signification des pierres. "J'avais l'impression d'avoir enfin une connexion avec mon sujet d'étude
qui date de 4000 ans !"
Qu'il n'y ait pas de malentendu, en écrivant ceci, ma seule intention est d'entendre l'appel d'Eric Julien : Tentons le dialogue.
Tentons le dialogue avec ces primitifs, archaïques, etc.,comme les appellent certains.
Nous avons tant à apprendre.
Il ne s'agit pas de les copier, de revivre comme des Kogis,simplement de se reconnecter au vivant, à la nature.
Comme le disait hier soir Eric Orsenna, "c'est notre quintessence ! notre chemin vers l'harmonie".
Pour entamer ce dialogue, il faut accepter "l'Autre, et se faire bousculer par l'hôte qui est à la fois celui qui reçoit et celui qui est reçu", comme le rappelait Delphine Horvilleur dans une brillante introduction pleine d'émotion hier soir. Nous comprendrons alors peut-être que nous avons besoin (résumé des paroles d'hier soir à Boulogne) : de remettre du sacré, du spirituel dans nos vies, notre lien à la nature. de gouverner, prendre des décisions avec des processus d'intelligence collective. de changer les processus éducatifs : "Éduquer ce n'est pas remplir, c'est laisser la nature intérieure s'exprimer", comme l'a souligné Emma Haziza. "De prendre soin de nos rivières comme nous prenons soin de nos veines", comme l'a dit Emma Haziza. De comprendre que nous ne vivons pas une crise climatique, mais une crise de la relation.
"Le dérèglement climatique, il est dans nos têtes." La conclusion du gouverneur Kogis hier soir à Boulogne identique mot pour mot pour à celle de Jean-Marc Jancovici en février à Paris lors de son échange avec Yves Marignac (que j’ai eu plaisir d’animer). Si deux personnes aussi éloignées arrivent à la même conclusion, c'est qu'il y a peut-être matière et nécessité à dialoguer !