Analyse de médias : leçons d’une expérience pédagogique.
Dans le cadre de cours que j’ai animés dans une école de journalisme, j’ai
proposé aux étudiants (répartis en 3 groupes) un exercice : comparer le
traitement médiatique des inondations à Valence entre des médias mainstream et
des médias engagés :
BFM vs Reporterre
Derniére Nouvelle Alsace vs Vert, le média
France info vs Blast
Bien qu’aucun scoop n’ait émergé de leurs analyses, deux conclusions m’ont
interpellé :
1) Malgré un traitement jugé plus professionnel et pédagogique par les trois
médias engagés étudiés, aucun étudiant ne se sentait prêt à consulter
régulièrement ces médias. La raison ? "Trop longs, trop ennuyeux, bref
trop …chiant"
2) Une majorité d’étudiants a proposé une piste : que les médias mainstream
collaborent davantage avec les médias engagés, au moins sur les thématiques
environnementales.
Rendre l’information attractive sans la dénaturer.
Sur le premier point, il me semble vain de lutter contre les habitudes
actuelles de consommation médiatique. À l’ère du divertissement omniprésent et
de la "tiktoktisation" de la société, le défi est de rendre l’information de qualité plus attrayante, sans céder à une simplification excessive.
Comment y parvenir ? Seul, devant monécran, je n’aurais pas la réponse absolue. Dans une équipe qui développe de l’intelligence collective, le défi me semble possible à être relever.
Dépasser les rapports de force entre médias.
Sur la collaboration entre médias mainstream et engagés, j’ai exploré cette
piste en tant que rédacteur en chef de Kaizen.
La principale difficulté réside dans les rapports de force inégaux : des moyens
financiers, des priorités éditoriales parfois contradictoires. Créer des
partenariats authentiques demande du temps pour établir la confiance, et une
transparence totale sur les attentes et les limites de chaque partie.
Certains argueront que c’est tenter le mariage de la carpe et du lapin, ou
imaginer un octogone entre Teddy Riner et Greta Thunberg. Peut-être suis-je
naïf, mais voir de futurs journalistes tourner le dos à une presse qu’ils
qualifient eux-mêmes de "plus sérieuse" et ne rien faire ne me satisfait pas.
Et, au bout du compte, comparons les audiences : KO dès le premier round pour
les médias engagés face aux mastodontes mainstream. Cela pose une vraie
question sur l’impact et la place de ces médias dans le paysage actuel.
Ces deux objectifs — rendre l’information plus attractive et encourager les
collaborations entre médias — sont ambitieux. Mais, comme je l’ai rappelé aux
étudiants, une information de qualité est l’un des piliers d’une démocratie
solide.
Ne pas tenter de relever ces défis serait accepter, à terme, de voir se
dégrader notre modèle démocratique.